(photo from mh Yahoo Mail)
Par Louis Bompard
Savoir diriger, c’est savoir s’entourer. Plus que quiconque, Karl Lagerfeld est conscient que c’est à cela qu’il doit sa longévité exceptionnelle. Ainsi, de brillants designers, comme Laetitia Crahay aux bijoux et chapeaux ou Laurence Dacade aux souliers apportent leur force créative et leur expérience au studio Chanel. Mais d’autres femmes gravitent autour du directeur artistique de Chanel, ses muses. Issues de générations et de milieux différents, elles nourrissent le Kaiser de leur fraîcheur, le « tiennent à jour ». Elles sont faciles à trouver, il suffit de regarder les premiers rangs des extraordinaires installations imaginées pour les défilés de la maison. Sauf qu’aujourd’hui, celle qui se cache surement derrière cette collection printemps-été 2015 de Chanel était en réalité sur le podium. Comment ne pas voir de lien entre le décor reproduisant une avenue de Paris en plein milieu du Grand Palais (façades, trottoirs, échafaudages) ou l’attitude et l’allure de la quasi-centaine de mannequins et le succès mondial du livre co-écrit par Caroline de Maigret, inspiratrice de toujours de Karl Lagerfeld, « How to be a Parisian wherever you are » ?
Cette collection, présentée en un temps record pour la maison (les modèles défilant jusqu’à 6 en même temps, sans même se retourner et sans discontinuer), reprend donc tous les codes que le monde veut bien associer au mythe de la Parisienne. Bien entendu, ils sont tous retwistés par le savoir-faire et les signatures de Chanel, et forcément le tweed et les jeux de tissage ne sont pas très loin. Elle donc est un brin provocatrice un costume d’homme cravaté revisité ou bourgeoise dans des tailleurs longs conservateurs. Elle met en relief son âme artistique en osant des imprimés aux allures de toiles peintes flamboyantes et trouble par la fausse pudeur que lui amène de longs manteaux, bien sur en tweed. Mais ce qui marque le plus chez cette Parisienne, c’est sa liberté. Celle aventureuse qu’elle a en saharienne en suede kaki, ou celle frondeuse de rendre hommage aux événements de mai 68 avec des rectangles gris brodés sur du tweed qui rappellent les pavés volants de cette époque de révolte. Elle montre aussi cette sensibilité fragile lorsque des fleurs blanches apparaissent sur ses ensembles de manière craquelée, presque involontaire, usées, fatiguées. Les rayures tennis, notamment portées par Caroline de Maigret, font enfin ressortir son côté canaille. En revanche, les pantalons en plastique imprimés de ces mêmes rayures, s’ils tendent à prouver sa volonté novatrice, sont anecdotiques. Tandis ce que les colliers marqués du 5 fétiche de la marque à cause de son parfum (qui attendait d’ailleurs les invités sur leurs sièges), marquent bien sa fierté d’être « d’où elle vient ». Et puisqu’il faut désormais penser aux street-stylers lorsque l’on découvre une collection, le sac ampli portable et les besaces brodées et marquées au feutre d’un « make fashion, not war » sont promis à un avenir de hits des entrées de défilés dans 6 mois.
Comment finir un tel récital sans perdre l’énergie que les passages décidés de ces 87 filles ont laissée dans l’air ? Réponse : en appuyant, avec humour, sur ce qui fait rire le monde à propos des Français, et donc, des Parisiens : leur côté revendicatif. Ainsi, alors que la grève d’Air France a donné des sueurs froides aux rédacteurs pas certains de pouvoir rejoindre Paris après Milan, toutes les mannequins du show sont sorties battre le pavé aux côtés du Kaiser, mégaphones armés, poing levé et pancartes à la main. Leur combat est féministe. Mais finalement, la réponse à leur vindicte se trouve sur un des derniers écriteaux à défiler. Dessus, on peut lire « La journée de la femme, chez Chanel, c’est tous les jours ». Tout est dit.
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