La haute joaillerie de Chanel éblouit Venise
La collection "Sous le signe du lion" de la maison de la rue Cambon est présentée dans la cité des Doges
Revêtue de briquettes sombres, la façade râpeuse de la Scuola Grande della Misericordia, érigée au XVIe siècle dans le Cannaregio, quartier populaire de la cité des Doges, aurait certainement plu à Gabrielle Chanel. D'autant qu'à l'intérieur, le contraste est saisissant. Près d'une soixantaine de lions d'or et de diamants jaillit d'une myriade d'écrins noirs, leur éclat se démultiplie dans des miroirs de Plexiglas, reflets ultra-contemporains des eaux argentées de la lagune... Jusqu'à samedi, à Venise, la griffe de la rue Cambon met magistralement en scène sa collection de haute joaillerie 2013, qui sera présentée à Paris au début du mois de juillet, pendant la Semaine de la haute couture. Un thème sur mesure pour Coco Chanel, qui vit le jour le 19 août 1883, à Saumur. « Je suis une abeille née sous le signe du lion », disait-elle. Sous la métaphore perce la dimension profondément double de cette figure du XXe siècle qui, dans les Années folles, révolutionne non seulement la mode et le parfum mais également la joaillerie française.
Animal fétiche
Abandonnée à 13 ans par son père à l'orphelinat de l'abbaye cistercienne d'Aubazine, en Corrèze, Gabrielle eut la dent dure, l'ambition chevillée au corps, l'indépendance furieuse. Cette suffragette mondaine libère le corps féminin du falbala et des tralalas de la toilette, en l'habillant de pantalons et de vestes en tweed empruntés aux hommes.Dans la même veine, elle invente une nouvelle façon d'envisager et de porter les bijoux. D'apparat de cour strictement codifiés sur les corsages, elle les transforme en ornements spirituels, conçus pour refléter l'humeur d'une femme, l'air de son temps. Ses parures, qui mêlent le faux au vrai, n'ont d'autres missions que de révéler l'éclat d'un visage, de signer une allure.
Bien des années plus tard, Coco a rapporté à Paul Morand cette scène qui l'avait tant frappée à Venise, cité où elle se remettait de la mort accidentelle en 1919 de son grand amour, Boy Capel. « Un jour au Lido, je voyais une vieille Américaine respectable assise sous un parasol : toutes les jeunes Américaines, qui se préparaient à entrer au bain, lui confiaient leurs bijoux ; finalement, elle avait l'air d'une de nos Saintes Vierges auvergnates, cloutées de cabochons : le trésor de Saint-Marc pâlissait à côté d'elle. » Des corps à moitié nus versus l'opulence de Byzance. Dans le questionnaire de Proust, si Mademoiselle avait été une figure de style, elle se serait révélée un parfait oxymore. Laborieuse et majestueuse. Ombrageuse et lumineuse. Austère et baroque... À l'image de la Sérénissime.
Un nouveau chapitre dans l’histoire de la joaillerie de la maison
« Le lion de Venise était l'animal fétiche de Gabrielle Chanel, déclare Philippe Mougenot, PDG de la joaillerie et de l'horlogerie. José-Maria et Misia Sert lui font découvrir la cité des Doges en 1920. Le félin, protecteur et puissant, deviendra un emblème récurrent dans ses créations, ornant les boutons de ses tailleurs ou le fermoir de ses sacs à main. À l'instar de la comète, des plumes ou du camélia, Sous le signe du lion ouvre un nouveau chapitre dans l'histoire de la joaillerie de notre maison. La seule question que nous nous posons aujourd'hui est de savoir pourquoi nous n'avons pas sorti cette collection plus tôt... »Repères : Coco Chanel et la haute joaillerie
1932 : Coco présente sa première ligne de bijoux en diamants.1987 : lancement de l'horlogerie.
1997 : installation d'une boutique au 18, place Vendôme.
2012 : ouverture d'un atelier de joaillerie au-dessus de la boutique de la place Vendôme.
2013 : collection Sous le signe du lion et annonce de la restauration du lion de la façade de la basilique Saint-Marc à Venise.
L'union des contraires
En effet. Bien que la marque ait semé, l'an dernier, une poignée de lions dans la collection 1932, montrée à la Biennale des antiquaires à Paris, jusqu'ici, nulle substantielle ligne féline ne venait nourrir son corpus joaillier. La grande force de cette monocollection réside d'abord dans le dessin de la figure du lion. Il est racé, expressif et surtout semblable d'une pièce à l'autre car créé par le même dessinateur. Autre point frappant, l'harmonie des proportions. Qu'il s'agisse de boucles d'oreilles, de bracelets, de bagues ou de colliers, que les formes soient opulentes ou plus gracieuses, les volumes tombent parfaitement justes. Au regard du nombre de pièces (cinquante-huit), cela relève de la prouesse. Enfin, le parti pris chromatique – la quasi-totalité des modèles est montée sur or gris et sertie de diamants blancs voire de perles – permet à Chanel de gommer le côté « fauve » du félin en lui injectant une élégance altière, puissante, somme toute très vénitienne. En témoigne, l'hypnotique Lion Royal (voir le diaporama). Transformable en trois bijoux, ce sautoir à 3,3 millions d'euros affiche une présence et une fluidité proprement spectaculaires. Dans ce même registre de style – l'équilibre repose sur l'union des contraires –, le collier Mosaïque, aux accents plus abstraits, subjugue tout autant.
Composé d'une nuée de congères d'or blanc pavés de brillants, ce plastron est assemblé de façon si virtuose qu'il fait songer à la trace qu'aurait pu laisser, dans de la neige fraîchement tombée, une avalanche de diamants de la taille du Ritz. Ces deux parures ont été fabriquées dans l'atelier de Chanel Joaillerie, au-dessus de la boutique de la place Vendôme. Un signe. Fort.
Gabrielle Chanel, en 1936, à Venise.
L'hypnotique Lion Royal. Transformable en trois bijoux, ce sautoir à 3,3 millions d'euros affiche une présence et une fluidité proprement spectaculaires.
Chanel va financer la restauration du lion ailé dominant la façade de la basilique Saint-Marc.
Broche en or gris et diamants, Chanel.
Plastron en or gris et diamants, Chanel.
Bague en platine et diamants, Chanel.
Boucles d'oreilles Constellation du Lion, Chanel.
Broche amovible en platine et diamants, Chanel.
Bague en or jaune, diamants et lapis-lazuli, Chanel.
Coco Chanel et Roussy Sert, la deuxième femme de José-Maria Sert, en 1935.
(poste le 12.7.13-16.49)
Jadis, le bijou, c'était d'abord un dessin... Mes bijoux représentent avant tout une idée !... J'ai voulu couvrir les femmes de constellations
(Gabrielle Chanel dans L'Intransigeant, 26 octobre 1932.)Gabrielle Chanel, en 1936, à Venise.
L'hypnotique Lion Royal. Transformable en trois bijoux, ce sautoir à 3,3 millions d'euros affiche une présence et une fluidité proprement spectaculaires.
Chanel va financer la restauration du lion ailé dominant la façade de la basilique Saint-Marc.
Broche en or gris et diamants, Chanel.
Plastron en or gris et diamants, Chanel.
Bague en platine et diamants, Chanel.
Boucles d'oreilles Constellation du Lion, Chanel.
Broche amovible en platine et diamants, Chanel.
Bague en or jaune, diamants et lapis-lazuli, Chanel.
Coco Chanel et Roussy Sert, la deuxième femme de José-Maria Sert, en 1935.
(poste le 12.7.13-16.49)
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